Une expérience humaine et spirituelle à -travers l’interculturalité
Voilà quelques semaines que j’ai terminé mon mandat dans l’équipe mondiale du MIJARC. Quatre années en tant que secrétaire générale dans une équipe multiculturelle et intercontinentale… c’est un challenge à tous les niveaux ! Je ne vous cache pas que l’expérience a été très complexe, souvent difficile, mais c’est certainement ce qui en a donné toute sa richesse ! On m’a demandé de vous partager ce que j’en retiens. Voici donc quelques petites réflexions et retours d’expérience.
Mon expérience au MIJARC a commencé… un peu dans mon équipe locale avec des rencontres internationales puis dans les responsabilités au MRJC à différents niveaux, enfin au MIJARC Europe, dont j’avais fait partie du bureau tout en étant membre de la commission souveraineté alimentaire internationale. Avec des études en relations internationales et des expériences professionnelles comme personnelles en Asieet en Amérique Latine, je pensais avoir dans ma besace suffisamment d’outils et de compétences pour travailler facilement dans un environnement interculturel…. Mais l’aventure du MIJARC m’a poussée dans mes limites bien plus que je le pensais !
Gérer une association ou un mouvement social n’est jamais chose aisée.On y trouve toujours des soucis matériels, logistiques, de personnalités, des enjeux de pouvoir, des incompréhensions… Au niveau international, les difficultés pour se rencontrer et les différences de cultures décuplent ces difficultés. En tant qu’européenne, je pensais qu’avec un peu d’organisation, de processus démocratiques, de rigueur et une bonne répartition des tâches, nous pourrions trouver des solutions pour lever ces difficultés… Mais les différences culturelles entre nos mouvements sont telles que ces solutions « européennes » n’ont une « efficacité » que limitée. C’est décourageant et déroutant lorsqu’on est conscient que les choses ne fonctionnent pas de façon idéale, que l’on tente de son mieux de faire avancer les choses, mais que les résultats ne sont que fragiles et dérisoires par rapport à toutes les ambitions qui sont portées, par soi-même ou les autres membres de l’association….
Alors qu’est-ce qui a fait que je suis restée ces 4 ans dans l’équipe mondiale ? Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je me sens enrichie et grandie par cette expérience ?
Je pensais vivre une expérience d’engagement social, finalement j’ai été emportée par une forte aventure humaine et spirituelle :
Le sens de notre engagement : au service d’une jeunesse rurale
La jeunesse rurale autour du monde a été dans nos esprits tout au long de ce mandat. Christopher, mon cher compagnon de route dans l’équipe pendant ces 4 années de mandat, n’a cessé de répéter « n’oublions pas les jeunes ruraux qui comptent sur nous pour améliorer leur conditions de vie ». Comment ne pas relativiser nos problèmes lorsqu’on sait que dans le monde rural il y a encore tant de pauvreté, d’inégalités, de personnes qui meurent de faim ou malnutrition, des déplacés climatiques, des personnes exclues de la société pour leur origine, leurs opinions ou leurs choix de vie ?
Vivre ensemble des beaux moments : l’énergie donnée par les rencontres
Chaque année, les rencontres de la coordination mondiale ont été des sources de motivation incroyables. Merci à Ana, Annia, Anil, Biswanath, Charles,Douglas, Klaus, Luz Mery, Racheal etSaritapour les beaux moments sur nous avons partagé ensemble, de Rio à Warangal, en passant par Lusaka et Munich.
Sans oublier les membres des mouvements nationaux, les anciens responsables, les partenaires financiers, les autres mouvements d’action catholique, les interprètes,…. Qui vous rappellent le sens de votre engagement, donnent la motivation d’avancer, vous rassurent sur le fait que chaque association internationale fait face aux mêmes problèmes, vous donnent des pistes pour avancer…. Et vous rappellent qu’un mouvement social est avant tout une aventure humaine…..
Je tiens ici à remercier tout particulièrement nos salariés, John et Nubia, pour leur soutien quotidien dans tout ce que l’équipe a entrepris.
Le lâcher prise et l’écoute sincère
Le soutien mutuel et l’esprit d’équipe, c’est surtout au sein du bureau mondial que nous avons appris à le construire. Cela a pris du temps, pour se faire confiance, se comprendre, avoir des positions communes et être cohérents par rapport à nos mouvements. Et nos habitudes culturelles n’étant jamais loin…. ce n’est jamais acquis.
Par exemple : En lisant cet article … que pensez-vous ? Que vous inspire ma façon d’écrire ? Selon que vous soyez d’Amérique Latine,d’Afrique, d’Asie ou d’Europe, je sais qu’il ne vous fera pas la même impression. Selon votre culture, il est bien vu ou pas de parler de ses difficultés, bien vu ou pas de parler de soi, bien vu ou pas d’écrire de longs article…. C’est avec cette confusion d’impressions et de sentiments que nous avons dû avancer, à trois, puis deux, puis quatre dans le bureau mondial.
Et c’est au cœur de cette équipe, entourée par la bienveillance de Bob, Bob et Fr Obi, que j’ai compris qu’il fallait parfois savoir lâcher prise sur ses certitudes, faire confiance malgré les différences de points de vue, rester vigilant et responsables bien sûr, mais en restant raisonnables et avec un regard à priori positif sur ce que les autres entreprennent.
…. Au final, c’est ce que nous appelle à vivre tous les jours la foi Chrétienne : voir en l’autre, malgré ses différences, la part de divinité qui existe en lui. Entretenir l’Amour du prochain, pour qu’il soit plus fort que les divisions et le mépris.
Christopher, Krishnakar, Fr Obi et Daniel, je vous remercie chacun du fond du cœur pour ce que vous m’avez apporté et pour les moments partagés dans cette équipe.
La plus-value de notre Foi Chrétienne
J’avais déjà la conviction depuis le MRJC que notre mouvement puise sa force dans sa foi Chrétienne. Cette conviction s’est démultipliée avec mon expérience au MIJARC. Nous avons vraiment vécu des moments très difficiles….Mais notre Foi Chrétienne nous a amené à savoir s’écouter, se pardonner nos erreurs pour avancer et faire progresser le mouvement.
Le plus bel exemple étant notre assemblée générale 2016… Les différences culturelles très fortes entre les participants, les problèmes d’équilibre entre les continents pour des raisons logistiques, la complexité des thèmes abordés…. Ont bien failli faire voler en éclat l’unité et l’esprit de famille que nous avions tenté de construire pendant nos 4 années de mandat. Mais au final, avec les efforts de chacun, les compromis et les moments de dialogue, nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur un plan d’action pour 4 ans, élire une nouvelle équipe et adopter un nouveau règlement intérieur à l’unanimité! Quand on y pense, ne pas se connaitre et ne se voir que tous les 4 ans pour se mettre d’accord sur de tels enjeux, cela relève un peu du miracle !
Tout comme développer sa foi, développer un mouvement comme le MIJARC est un chemin qui n’est jamais terminé. On y croise des moments de grâce, mais aussi des moments de doute, des embuches et des mains qui se tendent pour vous redonner de l’espérance.
A-travers ces 4 ans de mandat, je pense avoir muri, perdu un peu de fougue et de jeunesse, mais certainement gagné en sagesse, en humilité et en Foi dans l’Humanité. La belle diversité de nos modes de vie et de pensée font que l’on est interpellé, bousculé dans nos certitudes, mais enrichi si on parvient à s’y ouvrir.
J’ai été profondément touchée par l’accueil, l’hospitalité et les attentions de nos amis Indiens, impressionnée par la culture du dialogue et du consensus de nos amis Africains, inspirée par la créativité et la combativité de nos amis latino-américains. Je connaissais déjà mieux les qualités de nos amis Européens, mais leur soutien et leur engagement m’ont permis de me sentir soutenue dans cette responsabilité.
A vous qui poursuivez cette belle aventure qu’est le MIJARC :
Je sais que les expériences ne sont riches que si elles sont vécues en personne. Mais si je devais vous donner un conseil pour vivre le MIJARC de façon enrichissante plutôt que de vous donner envie de vous enfuir devant les difficultés, je dirais :
Dans les rencontres du MIJARC, venez avec ce que vous êtes, mais soyez prêts à être bousculés ! Sachez distinguer ce qui est fondamental et ce qui est négociable dans vos convictions. N’espérez pas faire au MIJARC ce que vous faites au niveau local, national ou continental. Tout prendra beaucoup plus de temps que vous le pensez car il faut beaucoup de dialogue et de temps pour se comprendre. Laissez-vous porter par ce que les autres ont à vous apporter et proposer…. Comme lors d’un voyage dans un autre continent : on trouve rarement ce qu’on y cherche, mais si on parvient à lâcher prise, on y découvre des choses qu’on n’aurait jamais imaginé, sur le monde, l’humanité… et sur soi-même !
A human and spiritual experience through interculturality
A few weeks ago, I finished my mandate in MIJARC World Team. Four years as general secretary in a multicultural and intercontinental team ... it’s been a challenge at all levels! I do not hide from you that the experience was very complex, often difficult, but that’s certainly what made it so enriching! I was asked to share with you about this experience. So here are a few small reflections and feedbacks…
My experience with MIJARC started ... a bit in my local team with international meetings then in responsibilities at MRJC at various levels, finally at MIJARC Europe, of which I had been part of the team while being a member of the International Food Sovereignty Commission. With a master degree in international relations and professional as well as personal experiences in Asia and Latin America, I thought I had enough tools and skills to work easily in an intercultural environment,.... But the adventure of MIJARC pushed me to my limits much more than I thought!
Managing an association or a social movement is never easy. There are always material, logistical concerns, personalities, power stakes, misunderstandings ... At the international level, the difficulties to meet and the differences of cultures multiply tenfold these difficulties. As a European, I thought that with a little organization, democratic processes, rigor and a good distribution of tasks, we could find solutions to overcome these difficulties ... But the cultural differences between our movements are such that these "European" solutions have only limited "effectiveness". It is discouraging and confusing when you realize that things do not work ideally, that you try your best to get things done, but that the results are only fragile and derisory compared to all ambitions that are carried, by oneself or the other members of the association ....
So what made me stay that 4 years in the world team? What makes me feel enriched and matured by this experience today?
I expected to live an experience of social commitment, finally I was carried away by a strong human and spiritual adventure:
The meaning of our commitment: serving rural youth
Rural youth around the world has been in our minds throughout this mandate. Christopher, my dear team mate all along these 4 years of mandate, has repeatedly reiterated "Let us not forget the young rural people who count on us to improve their living conditions". How can we not relativize our problems when we know that in the rural world there is still so much poverty, inequality, people dying of hunger or malnutrition, climate displaced people, people excluded from society for their origin, opinions or choices?
To live together beautiful moments: the energy given by the meetings
Every year, the meetings of the world coordination were incredible sources of motivation. Thanks to Ana, Annia, Anil, Biswanath, Charles, Douglas, Klaus, Luz Mery, Racheal and Sarita for the beautiful moments we shared, from Rio to Warangal, passing through Lusaka and Munich.
Not to mention the members of the national movements, former leaders, financial partners, other movements of Catholic action, interpreters.... Who remind you of the meaning of your commitment, give the motivation to move forward, reassure you that each international association faces the same problems,give you leads to move forward.... And remind you that a social movement is above all a human adventure ...
I would especially like to thank our employees, John and Nubia, for their daily support of everything the team has undertaken.
Letting go and sincerelistening
It is above all within the world team that we have learned to build mutual support and team spirit.
It took time to trust and to understand each other, to have common positions and to be consistent with our member movements. And since our cultural habits are never far .... It is never acquired.
For example: When reading this article ... what do you think? What does my way of expression inspires you? Whether you are from Latin America, Africa, Asia or Europe, I know that it will not give you the same impression. Depending on your culture, it is well seen or not to talk about his difficulties, well seen or not to talk about oneself, well seen or not to write long article .... It was with this confusion of impressions and feelings that we had to advance, us three, then two, then four members in the world team.
And it was at the heart of this team, surrounded by the benevolence of Bob, Bob and Fr Obi, that I understood that sometimes it was necessary to let go of some certainties, to trust despite differences of point of view, to remain vigilant and responsible of course, but remaining reasonable and with an a priori positive outlook on what others undertake.
.... In the end, this is how we are called to live the Christian faith every day: to see in the other, in spite of its differences, the part of divinity that exists in him or her. Maintain the Love of the other, and keep that love stronger than divisions and hatred.
Christopher, Krishnakar, Fr Obi and Daniel, I thank you from the bottom of my heart for what you have brought me and for the beautifullshared moments in this team.
The added value of our Christian Faith
I already had the conviction since my time with MRJC that our movement draws its strength from its Christian faith. This conviction has been multiplied with my experience at MIJARC. We really went through very difficult times ... But our Christian Faith has led us to know how to listen, to forgive ourselves our mistakes in order to move foreward and advance the movement.
The best example is our 2016 General Assembly ... The very strong cultural differences between the participants, the problems of imbalance between the continents for logistical reasons, the complexity of the topics tackled ....nearly destroyed the unity and family spirit that we had tried to build during our 4 years of office. But in the end, with everyone's efforts, compromises and moments of dialogue, we were able to agree on a four-year action plan, elect a new team and adopt new internal rules, unanimously! When you think about it: not knowing each other, seeing each otheronly every 4 years to agree on such issues, this is a bit of a miracle!
Just like developing one's faith, developing a movement like MIJARC is a path that is never finished. There are moments of grace, but also moments of doubt, obstacles and hands that stretch to give you hope.
Through these 4 years of mandate, I think I have matured, lost a little bit of passion and youth spirit, but certainly won in wisdom, in humility and in Faith in Humanity. The beautiful diversity of our ways of life and thoughts means that we are challenged, shaken in our certainties, but enriched if we can open ourselves to it.
I was deeply touched by the welcome, hospitality and attentions of our Indian friends, impressed by the culture of dialogue and consensus of our African friends, inspired by the creativity and combativity of our Latin American friends. I already knew better the qualities of our European friends, but their support and their commitment enabled me to feel supported in this responsibility.
My message to you who pursue this beautiful adventure that is the MIJARC:
I know that experiences are rich only if they are experienced in person. But if I were to give you advice to live the MIJARC in an enriching way rather than make you want to run away from the difficulties, I would say:
In MIJARC meetings, come with what you are, but be ready to be rushed! Be able to distinguish what is fundamental and what is negotiable in your convictions. Do not expect to do at MIJARC what you do at the local, national or continental level. Everything will take much longer than you think because it takes a lot of dialogue and time to understand each other. Let yourself be carried away by what others have to bring to you and propose .... As on a trip to another continent: you rarely find what you are looking for, but if you manage to let go, you discover things you would never have imagined about the world, humanity ... and on oneself!
